Il voit d'abord ses propres tatouages, étalés sur son visage, au tracé blanchâtre, et se rappelle cette question si souvent posée : « Vous avez eu mal ? », demandent-ils tous. Puis il voit ses propres sourcils, souvent froncés, toujours à se questionner, lui donnant cet air sévère et sérieux. Cela a même formé quelques rides, sur son front, même s'il venait à détendre son visage basané. Son nez, aquilin, accentue un peu plus cette impression dure qui semble l'accompagner au quotidien. Et finalement, son regard s'arrête sur ses lèvres, seul élément de ce visage qui dégage une autre énergie, celle de la joie. En tout cas, quand il relâche cette expression sévère pour se mettre à sourire et rire. Ses oreilles sont ornées d'un bijou, qu'on dit être des os d'Avrosi, sans que personne ne sache si cela n'est que vérité ou rumeur.
Quand il regarde son corps, il reconnait encore les cicatrices et les tatouages. Il sait aussi que son dos est marqué par les fouets impérialistes. Pourtant, il voit aussi plus loin. Il voit les muscles travaillés par les années, un corps entretenu pour la piraterie et les combats. Fier, il exhibe sans aucune gêne les marques laissées par le temps.

En réalité, il aime particulièrement sa chevelure. Il n'en parle jamais autour de lui et personne ne se rend compte de la véritable signification de celle-ci. Elle représente ce pourquoi il se bat : la liberté. Ses cheveux, souvent attachés pour éviter une véritable gêne, sont sa véritable force. D'ailleurs, il déteste que lors d'un rapport avec une femme, celle-ci lui touche les cheveux. Sa plus grande peur serait que les Avrosi découvrent ce secret et lui coupent sa chevelure car, pour lui, ce serait le priver de sa liberté. C'est d'ailleurs cette liberté qui l'a poussé à devenir Pirate. A son sens, les mers sont infinies, lui offrant toutes les possibilités.

Il voudrait remonter le temps et éviter l'époque de la Grande Dissémination, où la démographie de son Clan a drastiquement chutée, avec la perte de plusieurs éléments emblématiques. Malheureusement, il ne peut rien faire contre ces événements. Selon lui, il ne pourrait rien changer, autant de cette époque que de lui. La vie a fait de lui ce qu'il est, avec ses rencontres, ses pertes et déceptions, ses passions et amours. Il doit apprendre à vivre avec les conséquences, aussi pénibles soient-elles.

Qu'il est une tête brûlée, qu'il est trop brave et trop curieux. Ce sont à la fois ses pires défauts et ses plus grandes qualités. Ismaël est autant aimé pour ce qu'il est que détesté pour ces mêmes raisons. Rien ne l'arrête, pas même une tempête d'Okylah. Capable de foncer au sein d'un cyclone, juste par curiosité, certains le prennent pour un fou. D'autres voient en lui un homme plein d'espoir. Peut-être le verrez-vous un jour, à la proue de son navire, les bras tendus vers le ciel, juste heureux.

Sa plus grande crainte est celle de perdre ce qu'il considère comme le plus important : sa liberté. Si la symbolique de sa chevelure est représentative, il refuse aussi les responsabilités, considérant qu'elles sont des chaînes. Sa crainte est égoïste, mais aussi très altruiste car il ne croit pas pouvoir être à la hauteur des attentes.

Ismaël aime le plein air. C'est là même la caractéristique fondamentale de son caractère. Intenable, il s'ennuie très rapidement lorsqu'il n'est pas à bord de son navire. Etrangement fasciné par les créatures marines (qu'elles soient volantes ou maritimes), il est toujours le premier à prendre la barre de son bateau en quête d'une nouvelle aventure. Il passe parfois une partie de son temps à la recherche d'anciens récits, de quelques informations qui le meneraient vers de nouveaux territoires. Fasciné par le monde, il fatigue régulièrement son entourage.

Son équipage le sait, Ismaël et le Dieu des Océans ont une étrange relation. En tout cas, c'est ce que laisse entendre le Capitaine. Fasciné par le Dieu, il se lance souvent à la recherche de la moindre apparition de celui-ci. Peu superstitieux (il ne craint pas le courroux d'Okylah), il est profondément croyant et pratiquant. Aussi sacrifie-t-il régulièrement à son Dieu, même sous la forme d'offrandes humaines.

Il aimerait le voir se relever davantage. Depuis la Grande Dissémination, une certaine lassitude s'est emparée de son Clan. Ceux-ci semblent fatigués et attendent principalement de l'aide de leur grand allié. Pour le Pirate, les Dayin sont trop affaiblis et se sont laissés enchaîner par la maladie, au point de se soumettre. Il aimerait inspirer la nouvelle génération à prendre la relève. Il est, parfois, considéré comme un élément perturbateur au sein de la communauté.

Ismaël a une étrange habitude, quasiment imperceptible pour le commun. En réalité, le Pirate frappe doucement de sa main droite chaque élément qui lui passe dessous, s'assurant ainsi de la réalité et de la consistance de l'objet. De plus, peu importe l'endroit, que ce soit sur son navire, chez un particulier, il dort constamment en tenue d'Adam.

Sa première famille fut celle de l'internat et de l'école. C'est à cette époque qu'il fit la rencontre d'Abe, un garçon qui devrait devenir son égal opposé. En effet, les deux élèves devaient si bien entendre que l'un comme l'autre devinrent entièrement différents. L'un était un feu ardent, qui devait brûler tout ce qui l'entourait. L'autre était cette eau sage, capable d'apaiser les maux. Abe, comme Ismaël, était différent. Ils se voient encore régulièrement et les deux hommes se racontent leurs aventures, peu importe qu'une journée soit passée ou plusieurs mois. Les deux hommes se considèrent comme des frères et ne voient pas un monde l'un sans l'autre. Ainsi, l'un est la force sauvage et l'autre la force tranquille.

Mais sa véritable famille est l'équipage de son navire. Plus que son Clan, les membres de son bateau représentent les êtres chers pour qui il serait capable de traverser les ouragans d'Okylah, quitte à nager jusqu'à son Royaume. Très paternel envers les membres, même les plus vieux, Ismaël est véritablement attaché à chacun d'eux. Il n'est d'ailleurs pas rare que lors de leurs escales, il vienne les rechercher dans leurs chambres pour reprendre la mer.

Malheureusement, le Pirate n'a jamais rencontré son père, un marchand itinéran qui avait fait de nombreuses promesses à sa mère. Elle était tombée amoureuse et s'était laissée conquérir, jusqu'à en être enceinte. Puis il s'était enfui, sans même laisser une lettre d'excuse. Quelques années, loin de mourir de chagrin, sa mère venait à mourir de la Maladie. Dans l'esprit du Capitaine, l'abandon avait déjà affaibli sa mère, qui avait fini par céder.

Le connaissant depuis bientôt trente ans, Abe est sûrement la personne qui lui est la plus chère. Il lui semble inconcevable un monde où cet homme n'est pas là pour l'endormir d'une de ses « folles » histoires. Il est sûrement le binôme de sa vie, comme une âme-soeur et les deux hommes se le rendent bien. Si, un temps, l'entente fut compliquée, lorsqu'ils décidèrent de prendre des chemins de vie différents, les deux hommes se sont vite trouvés une nouvelle dynamique et sont heureux d'être encore aussi proches, malgré les années.

Personne. En réalité, Ismaël ne déteste pas réellement les Avrosi. Il se bat seulement contre eux car c'est l'ordre des choses. Il est né dans un camp et eux dans un autre. A dire vrai, il est même assez heureux qu'il en existe autant car il peut encore continuer un moment à nourrir Okylah de leur sang.

Il possède bel et bien un animal de compagnie. Ou c'est l'animal qui possède un humain de compagnie, c'est difficile à déterminer. Les deux se jamaillent régulièrement. En effet, l'Albatros, un oiseau d'une envergure certaine, est doté d'un caractère aussi enflammé que son possesseur. Alors, quand l'oiseau a décidé que son festin se trouvait dans l'assiette d'Ismaël, il ne se prive pas pour lui en voler quelques morceaux. D'un caractère assez mauvais, voire vicieux, l'oiseau ne se laisse approcher que du Pirate et de personne d'autre. Lorsque le Capitaine navigue, il utilise le prédateur pour repérer de potentielles cibles. Il arrive, parfois, que l'oiseau vienne protéger son humain de compagnie, lors de combats mais, le plus souvent, il se contente d'attendre.

L'histoire de sa propre mère a toujours empêché Ismaël de fonder une famille. Incapable de se trouver une femme, plus qu'une nuit, il se refuse même à l'idée d'avoir une quelconque progéniture. D'autant que cela l'enchaînerait à la terre, loin de la mer qu'il aime. Il se suffit d'Abe, son équipage et du volatile.

« Tu sais, elle serait fière, Ismaël. - Comment tu sais ? » Abe comprenait très bien le sens de la question de son meilleur ami mais il savait aussi que celui-ci avait besoin qu'on lui change les idées. « Tu viens toujours ici quand tu cherches des réponses. » Car Ismaël, malgré son tempéramment souvent imprévisible, était attaché à l'endroit. C'était ici que, après la Grande Dissémination, il avait laissé sa mère rejoindre le Royaume d'Okylah. Il ne se souvenait plus réellement de la scène, ni même des gens présents, mais il savait que cela avait eu lieu ici, depuis cette falaise où l'horizon laissait seulement apparaître la mer, et le reflet du soleil couchant. « Je ne me souviens plus, Abe. - Je sais bien. - Pourquoi ? ... - Tu sais que je n'ai pas la réponse. »

Ismaël aurait aimé connaître sa mère ou, au moins, pouvoir se souvenir de son visage, de son rire, de sa chevelure, mais il ne connaissait plus rien d'une femme qui, avec le temps, était devenue une étrangère à son esprit. Puis, il s'était assis là, regardant le soleil se coucher, souhaitant un miracle, un signe de l'avenir. « J'aimerais qu'elle me manque, mais je n'y arrive même pas. - Tu l'as peu connue, aussi. Pense au futur, à honorer sa mémoire ! Deviens ce qu'elle n'a pas pu devenir au lieu de te morfondre. » Abe était fidèle à lui-même. Même dans les plus tristes moments, il était capable d'envoyer quelques phrases bien senties. « Deviens Capitaine, Ismaël. Crois en toi comme je crois en toi. » Puis les deux hommes avaient seulement fixé le soleil se coucher, dans le plus grand des silences. Abe, lui, savait que son ami allait prendre la bonne décision. Sourire aux lèvres, ils s'endormirent bientôt.

Particulièrement égoïste durant ses premières années, Ismaël désirait se lancer sur les mers à la recherche de son père, lui conter l'histoire de sa défunte mère. Mais étant matelot sur un navire, il se trouva une véritable passion pour la piraterie et Okylah. Développant une véritable obsession pour la mer, il se fit d'abord une place au sein du navire. A la mort du vieux Capitaine, il fut unaniment choisi comme le nouveau Capitaine.

L'homme est nourri de rêves et d'ambitions, mais aussi de folies. Ismaël aimerait découvrir le bout du monde, afin de redorer le blason terni de son Clan. Il aimerait aussi obtenir le rôle de Commandant, tout en gardant sa liberté, même s'il sait qu'il devrait la sacrifier. Mais la plus grande folie du Pirate est sûrement sa volonté de rencontrer Okylah, quitte à prendre une barque et ramer seul au moyen d'une tempête.

Souvent considéré comme un fou, Ismaël prend aussi un malin plaisir à se faire passer pour plus qu'il ne l'est réellement. De cette façon, il espère inspirer une méfiance qui empêcherait à tout jamais que quiconque le souhaite comme Commandant. Mais il obtient de plus en plus de prestige au sein du Clan au fil de ses Raids. De plus en plus de rumeurs circulent dans son dos, notamment colportées par ses propres hommes qui finissent par en faire un véritable mythe.

Ismaël est, par nature, un être sanguin. Il est ce genre d'être humain à s'arrêter, lâcher toutes ses armes et provoquer son adversaire. Il déteste les paroles en l'air et souhaitent que tout homme qui le menace soit provoqué en duel. Parfois finit-il avec quelques mauvaises cicatrices, parfois il brise un os ou l'autre. Il ne tue jamais mais se contente d'humilier.

Il est bien peu probable qu'Abe aie seulement un jour un navire. Dans le cas inverse, son propre meilleur ami ne viendrait pas l'aider, le connaissant. Aussi, Ismaël, même s'il ne se prélasse jamais, lui ferait savoir qu'il peut toujours rêver pour que cela arrive. Puis, peut-être que s'il s'ennuie vraiment, il viendrait quand même donner un coup de main, histoire de faire genre mais, surtout, de faire regretter à Abe de lui avoir demandé.

Ismaël est, par nature, bien trop curieux. S'il surprenait une conversation de ce genre, à propos de son Commandant, il se ferait discret le temps d'entendre l'ensemble de la conversation avant de confronter les hommes.